Nous fêtons en 2021, le 150ème anniversaire de la Commune de Paris. Entre le 18 mars 1871 (fraternisation des soldats avec la Garde nationale) et le 28 mai (fin de la Semaine Sanglante), la Commune n’aura duré que 72 jours. Mais elle reste à jamais dans l’Histoire comme la 1ère révolution mise en œuvre par les travailleurs, pour les travailleurs. Ce moment où, pour citer Karl Marx, le peuple de Paris « est monté à l’assaut du ciel ».
Ernest Pignon Ernest, 1971
Ernest Pignon Ernest, artiste pionnier du street art, a fait sensation en 1971, lors du centenaire de la Commune, en imprimant 1000 sérigraphies qu’il a collées sur les marches du Sacré Cœur. Sur son site https://pignon-ernest.com/, il explique sa démarche: « A l’origine, on m’avait proposé de participer à une exposition sur le thème de la Semaine sanglante de la Commune. En préparant ce projet et en multipliant les lectures, j’ai découvert l’ampleur des espoirs et des belles utopies qu’avait levés cette première révolution authentiquement populaire, et j’ai pris aussi la mesure de l’effroyable carnage qui devait y mettre fin. Iil ne m’était pas possible de rendre compte d’un tel évènement au moyen d’un tableau qui irait prendre place dans une exposition. Cela me paraissait un non-sens : la négation même de l’esprit de la Commune.
Il fallait témoigner au ras du sol, réinvestir les lieux chargés d’Histoire, dire la permanence des répressions de tous ordres. »
2021
Jusqu’à 2021, les allusions à la Commune étaient assez rares sur les murs (à part les interventions du collectif A2 sur Louise Michel) les murs, de Paris en particulier, ont résonné de cet évènement et de son actualité politique et sociale.
L’hommage des Artistes de Ménilmontant
A l’occasion du 150ème anniversaire, l’association des « Artistes de Ménilmontant » a organisé une exposition d’œuvres collées dans les rues du 20ème arrondissement.
Louise Michel
Institutrice, écrivaine, militante anarchiste, féministe, Louise Michel a été une des figures majeures de la Commune de Paris. Et, jusqu’en avril 2021, c’était la seule référence de la Commune qu’on trouvait sur les murs.
Mais c’est A2 – collectif d’artistes qui, depuis plusieurs années, célèbre l’amour et l’anarchie sur les murs – qui a vraiment contribué à faire perdurer le souvenir de Louise Michel sur les murs.
En la représentant de manière « classique »,
Entourée par les principaux penseurs de l’anarchisme,
… Ou en punkette !
Femmes de la Commune
Les femmes ont participé de manière déterminante à la Commune, dans toutes ses étapes et jusque sur les barricades. Et la haine qui a été déversée sur elles par les journaux et les écrivains de cette période (et jusqu’à récemment) est à la hauteur de la peur qu’a inspiré la Commune et ses acteurs/trices aux possédants. Il suffit de citer Alexandre Dumas fils parlant des Communards: « Nous ne dirons rien de leurs femelles. Par respect pour les femmes à qui elles ressemblent quand elles sont mortes. »
De ces femmes qui ont été des milliers, on n’a longtemps retenu que Louise Michel et une poignée d’autres: André Léo, Elisabeth Dmitrieff, Nathalie Lemel…
Cette année 2021 a été l’occasion de faire apparaître toute la diversité des femmes de la Commune.
Les grandes fresques
Le mur du square Henri Karcher (Paris 20ème)
Ce long mur sur la rue des Pyrénées, qui constitue le soubassement du square Karcher, a accueilli la fresque réalisée par quatre membres du crew TWE, dont chacun a pris en charge une partie. Avec un souci constant de plonger les symboles de la Commune dans la situation actuelle, afin de montrer l’actualité brûlante de la Commune.
La première séquence réalisée par Kraco, montre une barricade.
La deuxième séquence, réalisée par Kwim, mêle une femme armée d’un fusil à baïonnette et un jeune noir levant le poing.
La troisième séquence est l’œuvre de Lask. Il a réalisé des caricatures de bourgeois dont le style est inspiré de Daumier: un rat et un bouledogue à haut-de-forme, dont les habits sont tachés de sang et arborent (pour le bouledogue) le sigle de l’euro…
un coq brandissant un pistolet factice d’où sort le sigle « NWO ». Je suppose, après recherche sur Wikipédia, qu’il s’agit du nom donné par certains historiens à la période issue de la chute du Mur de Berlin et qui se caractérise par la mise en place à l’échelle mondiale de la logique néolibérale (NWO désigne également un gang de catch, mais cela me semble moins approprié)…
une assemblée de bourgeois d’apparence tout à fait paisible. Mais c’est un serpent qui préside cette réunion,
et l’un des participants arbore un long poignard,
alors qu’un autre apporte une tête coupée en offrande.
La quatrième séquence, réalisée par Soyer, conclut la longue fresque par une citation de Louise Michel: « La révolution sera la floraison de l’humanité comme l’amour est la floraison du cœur« .
Rue de la Fontaine au Roi (Paris 11ème)
Au 17 de la rue de la Fontaine-au-Roi résista une des toutes dernières barricades de la Commune de Paris, défendue par ses chefs : Eugène Varlin, Théo Ferré et Jean-Baptiste Clément. Elle succomba vers midi le 28 mai 1871 au terme de la Semaine sanglante.
Un peu au-dessus, une grande fresque collective en a commémoré la mémoire. Elle a, malheureusement, été assez vite toyée. Voici ce qu’il en restait, en juin 2021.
Parc de Belleville (Paris 20ème)
Au pied du parc de Belleville, rue rue de la Ferme Savy, dans le cadre du budget participatif 2019, les habitants ont voté pour le projet des Amies et Amis de la Commune, avec une œuvre réalisée par l’artiste QMRK (Question Mark). La longue frise met en scène le peuple de la Commune, dans toute sa diversité.
Sur la barricade, Louise Michel indique où tirer,
Au bout de la frise, QMRK a réalisé une grande fresque présentant une communarde tenant une chandelle. A sa gauche, les ennemis de la Commune (les « Versaillais). A sa droite, les révolutions qui se sont inspirées de la Commune, et un soldat prussien.
Bonneuil-sur-Marne
Dans le Centre-Ville de Bonneuil-sur-Marne, le collectif Douze Douze a, lui aussi, rendu hommage à la Commune. Ce sont les oiseaux qui en constituent le fil rouge.
Au début, un merle moqueur, au bout, un rossignol, portant des cerises dans son bec (allusion évidente à la chanson « le temps des cerises »). Entre les deux, un fédéré, Gustave Courbet, des ouvriers typographes, des femmes, un homme-libellule (allusion aux libelles, ces feuilles imprimées qui ont fleuri pendant la Commune) Louise Michel (toujours elle…).
Pour en savoir plus:
- Sur la Commune de Paris:
- Association des Amies et Amis de la Commune de Paris 1871 https://www.commune1871.org/
- Les passionnantes conférences de l’historien-conteur Henri Guillemin, réunies dans un coffret livre / DVD chez les Mutins de Pangée https://www.lesmutins.org/la-commune-par-henri-guillemin
- En BD: « Le cri du Peuple », de Tardi édité en 4 volumes, chez Casterman entre 2001 et 2004; « Les damnés de la Commune », de Raphaël Meyssan édité en 3 volumes, chez Delcourt entre 2017 et 2019. Raphaël Meyssan a adapté sa BD en réalisant un film avec le même titre, présenté sur Arte.
- Sur Louise Michel: https://fr.wikipedia.org/wiki/Louise_Michel
- Sur les femmes dans la Commune:
- https://macommunedeparis.com/2016/07/30/petit-dictionnaire-des-femmes-de-la-commune/
- https://www.linflux.com/monde-societe/histoire/les-femmes-de-la-commune/
- https://www.commune1871.org/la-commune-de-paris/histoire-de-la-commune/dossier-thematique/les-femmes-de-la-commune
- Sur les Artistes de Ménilmontant: https://ateliersdemenilmontant.org/?actualites=6375
- Sur A2: https://a2-streetart.com/
Merci François pour ce panorama tout à fait…revigorant !
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