Nébuleuz, je l’ai découverte à l’automne 2021, avec ses premiers collages.
On s’est rencontrés en décembre 2022 à Roubaix.
Peux-tu te présenter en quelques mots ?
Je suis Nébuleuz, roubaisienne de 37 ans, qui s’est lancée à corps perdu dans le street art depuis 1 an environ. Mais j’y réfléchis depuis longtemps.
Pourquoi le Street Art ?
Je pense que c’est assez classique : occuper la rue, ça signifie beaucoup, surtout quand on est une femme, car la rue, ce n’est pas un espace où les femmes sont très visibles.
Je me passionne depuis très longtemps pour le street art. J’ai beaucoup voyagé en Europe et aux Etats-Unis pour en voir. Cet art m’a attirée car je trouve qu’il est réellement populaire, au sens premier du terme. Ce qui est paradoxal et fascinant pour moi, c’est qu’il t’appartient et qu’en même temps, il ne t’appartient plus : tu l’as pensé, tu l’as créé, tu l’as collé ou peint et il vivra sa vie malgré toi.
Pour moi, c’était comme une évidence l’année dernière, de me dire, après le Covid, cette bulle où on est restés chez soi, que c’était possible de me montrer dans la rue.
J’ai commencé par coller des petites choses en plâtre que je faisais pendant le confinement, et j’ai aimé cette adrénaline, alors, j’ai continué. Je n’ai jamais rencontré autant de gens de ma vie (hors cadre professionnel) que depuis cette dernière année!
Il ne faut pas se leurrer, il y a aussi une grande part de narcissisme, ou de renarcissisation : se dire « je peux être complètement anonyme et regarder des gens regarder ce que j’ai fait ». C’est presque « Inception ». Combien de fois ça m’est arrivé de voir des gens prendre en photo ce que j’avais collé !
Quelles sont tes techniques ?
- Le plâtre,
- La broderie, sur papier et sur toile,
- Les assiettes.
Ce pseudo, Nébuleuz, je l’ai choisi à mes 15 ans. D’abord parce que j’ai tendance à avoir une pensée en étoile, à ne jamais vraiment finir ce que je commence, et aussi parce qu’étant jeune, j’étais très férue d’astronomie. Ce pseudo reflète donc aussi mon travail, qui va un peu dans tous les sens, même si aujourd’hui, j’ai vraiment envie de perfectionner certaines techniques. Je ne m’estime pas artiste, mais plutôt artisan. En ajoutant mon côté militant : faire passer par le figuratif, des messages politiques. Mais sans prendre les gens par la main et leur donner un prêt à penser, genre « la guerre, c’est mal ».
Pourquoi la broderie ?
En fait, j’ai commencé très récemment. Je m’ennuyais, j’avais des pelotes de laine et j’ai essayé de broder. Et j’ai été assez contente du résultat, mais c’était pour décorer chez moi. Et puis j’ai eu envie de continuer. Mais je suis nulle ! Les vraies brodeuses trouvent ça horrible ! Mais comme je ne sais pas peindre, j’utilise la broderie pour m’exprimer. Et puis, par la broderie, on peut voyager partout ! Il y a tellement de techniques différentes, liées chacune à une ethnie…
Quels sont tes thèmes de prédilection ?
En ce moment, ce sont les ethnies, grâce à la broderie et aux techniques qu’elle me fait découvrir. Je travaille en particulier, sur une ethnie qui est la mienne, les berbères, les amazighs.
Mais j’ai aussi commencé à apprendre la broderie d’Asie du Sud-Est, la broderie palestinienne, la broderie ukrainienne…
Les peintures sur les corps noirs rendent hommage aux peintures sur les corps des Yorubas que j’ai découvertes lors d’une exposition au quai Branly.
Il y a aussi un message politique que j’ai toujours voulu porter, autour des femmes voilées en France (je ne parle pas de l’Iran…). Cette utilisation politicienne en France du voile me révolte depuis longtemps. C’est totalement hypocrite, une manière de stigmatiser toute une population, pour masquer les vraies problématiques, qui s’appellent relégation et discrimination…
Sur Facebook, j’ai vu une bodybuildeuse égyptienne voilée, qui s’était prise en photo. Je l’ai trouvée incroyable, tellement contradictoire avec ce cliché de la femme voilée forcément soumise… Alors, j’ai repris cette photo, je l’ai imprimée et je l’ai collée un peu partout à Lille. C’est à partir d’elle, en fait, que j’ai vraiment commencé à coller et à créer. A cette époque, Zemmour est venu faire un meeting à Lille, et, pendant leur manif, j’ai collé un peu partout mes femmes voilées. Tu imagines qu’elles ont été arrachées à la minute !
Avec les femmes voilées, on se crée un ennemi commun et il n’y a rien de mieux pour souder un peuple. C’est ce que j’ai voulu dire avec cette femme voilée et le sous-titre « obsession ». Pour exprimer cette obsession française autour du voile.
Mais j’ai toujours plein d’idées en tête.
A un moment, je faisais pleurer des femmes, mais j’ai compris qu’il fallait que j’arrête ce type de cliché,
Alors, j’ai fait une série qui s’appelle « Boys do cry », avec des archétypes masculins du genre Marlon Brando.
Maintenant, les hommes crachent leur venin et les femmes déversent leur bile.
Comment choisis-tu tes supports?
Au feeling.
Chaque colleur a sa technique et son heure. Moi, je préfère coller au crépuscule, dans cet entre-deux. C’est tout un rituel : je mets mes vieilles baskets, mon jogging noir, je prends mon manteau avec la grosse capuche, le bonnet, je ressemble à un mec, je prends ma charrette à courses, parce que personne n’arrêterait une nana ou un mec avec une charrette, je me fais mon seau de colle chez moi, je prends de la colle à carrelage pour le plâtre…
On colle quelquefois en bande : une fois, on est sortis à 16 colleurs. On appelait ça « la chenille ». Et on a envahi un mur, comme des sauterelles.
Des projets?
J’aimerais me lancer dans la peinture, mais je n’y suis pas encore très à l’aise…
Pour en savoir plus:
- Article paru dans la presse en ligne sur Nébuleuz: https://vozer.fr/2021/11/21/nebuleuz-la-street-artist-roubaisienne-qui-colle-son-militantisme-et-son-humour-a-meme-les-murs/
- Découvrir d’autres artistes de la Métropole lilloise:
- https://francoisregisstreetart.fr/collectif-renart-a-lille-10-ans-deja/
- https://francoisregisstreetart.fr/ikste/
- https://francoisregisstreetart.fr/zacharie-bodson/
C’est toujours un réel plaisir de lire votre blog. Mille merci pour nous offrir ces découvertes.
Coucou François-Régis !
C’est génial ce format interview. Je trouve ça très intéressant d’avoir le point de vue de l’artiste et de connaitre sa démarche.
Merci pour ce partage 🙂
A quand le prochain ? =D
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