A Paris 13ème, la station de métro Nationale constitue l’épicentre de « Boulevard Paris 13 ». Ce projet, lancé en 2009 par Jérôme Coumet, le maire du 13ème arrondissement et coordonné par le patron de la galerie « Itinerrance », Mehdi Ben Cheikh, avait pour but de changer l’image du quartier en donnant à des artistes du monde entier la possibilité de réaliser une fresque sur quelques-uns des immenses pignons des immeubles. Le parcours a été finalement inauguré le 13 juin 2019.
Cet article est dédié à Gisèle et Rémy B.
Un peu d’histoire
Jusqu’à la deuxième guerre mondiale, la rue Nationale était l’un des axes les plus commerçants du 13e arrondissement. C’est dans cette rue également qu’a été fondée, en 1832, la raffinerie de sucre Say. Celle-ci, après avoir déménagé rue Jeanne d’Arc était, au début du XXème siècle, la plus importante raffinerie de sucre de canne du monde. Elle a fermé en 1968. Autre usine emblématique du quartier implantée rue Nationale , la firme automobile « Panhard et Levassor », qui ferma ses portes en 1967.
Après la deuxième guerre mondiale, mais surtout au cours des années 1960, le quartier a fait l’objet d’une immense opération de rénovation urbaine, qui a abouti à la démolition de la quasi totalité du bâti antérieur et à la construction des tours et barres qui en constituent maintenant le paysage.
Ce quartier, je le fréquente depuis pas mal d’années, pour des motifs professionnels et familiaux. Alors, suivez le guide dans le boulevard et les rues autour de la station Nationale !
Boulevard Vincent Auriol
Pas besoin d’aller très loin en sortant du métro: à l’angle du boulevard avec la rue Nationale, l’œil est tout de suite attiré par les fresques de Obey et C215.
La fresque de l’artiste étatsunien Obey, qui reprend la devise de la République française, a été peinte en 2016, en hommage à la France après les attentats de 2015. Fin 2020, elle a été couverte de graffitis protestant contre la loi « Sécurité globale ». L’artiste l’a restaurée, mais a ajouté une larme à sa Marianne.
En face, une œuvre du britannique D*Face, très influencé par l’esthétique du Pop art.
De l’autre côté, le français Bom.K présente sa jeune graffeuse.
Sur les soubassements du métro aérien, C215 a dessiné sa fille, Nina,
et plusieurs artistes sud-américains sont intervenus: les brésiliens Cranio, Jerry Batista et Leiga,
et le chilien Malpegados.
En suivant le boulevard vers la Seine, on trouve la fresque façon azulejos du portugais Add Fuel.
Un peu plus loin, l’étang de Thau vu par le sétois Maye,
A l’angle de la rue Jenner, le profil réalisé par l’espagnol David de la Mano.
Puis, et quasiment côte à côte, la fresque de Pantónio, un autre portugais,
L’accolade de l’irlandais Conor Harrignton,
et « la madre secular » de Inti, qui se veut une représentation laïque de la sainte Vierge. Le symbolisme est typique de cet artiste chilien, déjà vu dans mon article sur Saint-Nazaire (https://francoisregisstreetart.fr/saint-nazaire/) : au lieu de la pomme d’Adam et Eve, la Madone tient dans ses main la pomme de Newton. Dans son cou et sur ses gants, des étoiles et des planètes figurent une carte du ciel…
Si on emprunte le boulevard dans le sens inverse, vers la place d’Italie, on trouvera, sur le même groupe d’immeubles,
les bretons PakOne
et WEN2, qui a représenté le phare des Perdrix, situé à l’entrée du port de Loctudy.
La geisha du britannique Hush,
Le texte calligraphié sur deux façades par Cryptik, un artiste étatsunien d’origine coréenne. Il s’agit d’un poème de l’écrivain arméno-étatsunien William Saroyan.
La traduction est disponible à la librairie-pâtisserie qui est au pied de l’immeuble, mais, pour ceux qui ne pourraient pas s’y rendre, voici le texte: « Dans le temps qu’il t’est donné à vivre, vis – et durant ce temps, qu’il n’y ait ni laideur ni mort pour toi ou toute ta vie qui approche. Cherche en tous les lieux la bonté, et quand tu l’auras trouvée, sors-la de sa cachette, et qu’elle aille libre et sans honte. Accorde la moindre des valeurs à la matière et à la chair, car elles contiennent la mort et doivent périr. Découvre en toute chose ce qui brille et qui est au-delà de toute corruption. Encourage la vertu dans tous les cœurs où elle a pu être tenue au secret et au chagrin par la honte et la terreur du monde. Ignore l’évidence car elle est indigne de l’œil pur et du cœur bon. Ne soit l’inférieur d’aucun homme, d’aucun homme ne soit le supérieur. Souviens-toi que chaque homme est une variation de toi-même. Aucune culpabilité humaine ne t’est étrangère, aucune innocence humaine ne t’est lointaine. Méprise le mal et l’impiété, mais non les hommes impies et mauvais. Ceux-là, comprends-les. N’aie aucune honte à être bon et doux, mais si le moment vient pour toi de tuer, tue et n’aie aucun regret. Dans le temps qu’il t’est donné à vivre, vis – et durant ce temps merveilleux, tu n’aggraveras ni la misère ni le chagrin de ce monde, mais célèbreras sa joie infinie et son mystère. »
Et, enfin, l’œuvre des deux jumeaux How et Nosm.
Juste en face, de l’autre côté du boulevard, l’artiste d’origine chinoise DALeast a mis en scène un combat de fauves.
Place Pinel
C’est Jorge Rodriguez-Gerada, artiste étatsunien d’origine cubaine, qui a réalisé le portrait du docteur Philippe Pinel (médecin mort en 1826 à Paris qui fut un précurseur de la psychiatrie moderne).
Dans le square voisin, on retrouve D*Face,
A côté, les arabesques du collectif tunisien ST4 the project,
Puis, par la barcelonaise BToy, un portrait de la meneuse de revue et modèle étatsunienne Evelyn Nesbit.
Enfin, de l’autre côté de la place, un portrait réalisé par C215. Ce n’est pas Lionel Jospin, mais Elie, dit « Papy dance », une célébrité du quartier qui avait 78 ans en 2013, lorsque les habitants du quartier l’ont choisi pour être portraituré. Son histoire est racontée ici https://www.trompe-l-oeil.info/graffitis/details.php?image_id=4283
Rue Jeanne d’Arc
De part et d’autre du boulevard Vincent Auriol, cette rue affiche ses richesses.
Côté Sud, deux fresques d’Obey:
« Révolution-2 »
Et « COP21-2 ».
Côté Nord,
La danseuse du duo étatsunien Faile,
Les photographes de Jana und JS,
Et le gamin de Seth.
Rue Lahire
On retrouve Inti, pour une immense « poupée andine ».
Rue du château des Rentiers
Le mexicain Ricardo González mêle la vie et l’amour.
Et le portugais Vhils a sculpté un visage masculin dans le plâtre.
Un peu plus loin au coin de la rue Jean Colly, l’immeuble réalisé en 2009 par ArchitectureStudio arbore sur une de ses façades, un plan du quartier avec ses stations de métro.
Rue Yéo Thomas
Une fresque illustre le poème « Jeunesse » de Andrée Cheddid. Elle a été réalisé par Juliana Dorso qui y a associé les enfants des locataires.
Et une autre fresque, réalisée par Claire Courdavault, avec la participation de collégiens, représente les quatre éléments.
Rue du Dr C. Richet
Fin juillet 2022, le new-yorkais Beau Stanton a peint une fresque, intitulée « Canicule », sur un pignon du Centre d’Animation Richet. Le titre illustre bine la chaleur qui régnait au moment de la réalisation !
Rue Nationale
Tout près de la station de métro Nationale, la Porte de Folon. Réalisée en 1985 il s’agit de la deuxième fresque monumentale du quartier, après celle qui représente JS Bach et qu’a peinte Fabio Rieti en 1980 (à voir dans mon article sur Louyz https://francoisregisstreetart.fr/louyz/).
Juste à côté, l’opticien et le boucher se sont, eux aussi, convertis au street art !
Pour en savoir plus:
- Sur l’histoire du quartier: http://www.paris-unplugged.fr/paris-13-la-rue-nationale/
- Sur la rénovation du 13ème arrondissement: https://fr.wikipedia.org/wiki/Italie_13
- Sur la galerie « Itinerrance » et le projet « Boulevard Paris 13 »: https://itinerrance.fr/hors-les-murs/le-parcours-street-art-boulevard-paris-13/
- Une carte des fresques du 13ème: https://www.trompe-l-oeil.info/Trompeloeil/paris13-carte-fresques-street-art.htm