A l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, le 8 mars 2024
La lutte des femmes mexicaines pour leurs droits ne date pas d’hier. C’est ce qu’affirme cette grande fresque « Resistir, Nunca Desistir / Résister, Ne jamais Renoncer » peinte dans le centre-ville de México
et qui retrace quelques grandes étapes de ce combat.
1931: Premier Congrès national des Ouvrières et Paysannes;
1955: Les femmes votent pour la première fois à une élection fédérale
1994: l’EZLN (Ejército Zapatista de Liberación Nacional) publie la Loi Révolutionnaire pour les Femmes;
2008: promulgation de la loi fédérale « pour l’accès des femmes à une vie sans violences ».
Malgré cela, au Mexique, dix femmes sont assassinées chaque jour en moyenne. En 2022, on recensait 3754 assassinats de femmes, seulement 947 (33,7 %) ont fait l’objet d’une enquête en tant que féminicides (voir les statistiques). Les chiffres en eux-mêmes sont alarmants, mais ce qui l’est encore davantage, c’est que, selon les organismes officiels, les violences fondées sur le genre (violence familiale et violence sexuelle) augmentent régulièrement chaque année : elles ont plus que doublé depuis 2015.
Les organisations féministes dénoncent cette situation depuis plusieurs décennies. Leur critique pointe non seulement une société machiste, mais également la responsabilité du gouvernement national et des autorités locales qui n’ont jamais pris des mesures efficaces pour en terminer avec l’impunité.
Le 24 avril 2016, des centaines de milliers de femmes ont défilé dans plus de 40 villes du pays, à l’appel du collectif #VivasNosQueremos ou « Vivas Nos Amamos » (qui peut se traduire de plusieurs manières : « Nous voulons rester vivantes » ou « On s’aime vivantes »).
Voici un extrait de leur manifeste : «La guerre contre les femmes ne connaît pas de frontières, nous savons que nos corps, nos terres, sont la première tranchée de la lutte. Nous en avons assez de l’exploitation de ces deux territorialités qui, par droit inaliénable, nous appartiennent, historiquement exploitées et pillées par les intérêts voraces du système capitaliste d’État. Nous annonçons que nous défendrons nos forêts, notre eau, notre terre, avec la rage digne qui nous a unies aujourd’hui. Nous défendrons nos corps, nos vies, notre plaisir et notre joie (…) Nous sommes toutes ces femmes étiquetées comme vulnérables qu’on a voulu réduire au silence. (…) Nous nous élevons contre la dépossession de territoires, contre les disparitions, la violence domestique et au travail, le harcèlement, les discriminations de toutes sortes, nous nous élevons contre toutes les formes de violence machiste qui font de nous des victimes et des cibles de féminicides impunis… ».
Et depuis, les initiatives se multiplient dans le pays. Avec rage, mais sans oublier la tendresse.
A Mexico, le Paseo de la Reforma qui est un peu l’équivalent des Champs-Elysées à Paris est rythmé par une série de ronds-points, dont l’un d’eux arborait une statue à la gloire de Christophe Colon. En 2020, la mairie de Mexico décidait de retirer ce monument, à la demande des organisations féministes autochtones qui souhaitaient que le Paseo de la Reforma soit « décolonisé ». La destination ultérieure du socle vacant donna lieu à une série de polémiques et, finalement, le 25 septembre 2021, des féministes franchirent les palissades et érigèrent sur le socle, un « antimonument » (qu’elles féminisèrent en « antimonumenta ») : une silhouette en bois rose représentant une femme au poing levé. Elles ont renommé le site « Glorieta de la mujeres que luchan », / « Place des femmes qui luttent ».
Le 26 juin 2023, après de longues négociations avec la Mairie, les collectifs féministes, appuyés par Amnesty International, ont finalement obtenu que cette « antimonumenta » soit pérennisée. Les palissades ont été repeintes en noir et leurs différentes faces ont été recouvertes de noms tracés à la peinture blanche. Ils rendent hommage aux victimes de féminicides et à toutes les femmes qui luttent sur différents fronts, souvent au péril de leur liberté et de leur vie: les femmes des communautés autochtones qui défendent leur terre et l’accès à l’eau; les mères ou sœurs qui cherchent à faire la lumière sur les responsables de massacres ou de disparitions dont leurs proches ont été victimes; les artistes…
Pour la première fois dans l’histoire du Mexique, les femmes qui luttent s’installent de manière pérenne en plein centre du pouvoir institutionnel, économique et financier. Elle semble dérisoire, cette « antimonumenta », cette petite effigie de bois face à ces monstres de métal, de verre et de béton. Mais elle représente ces millions de femmes qui affirment qu’elles ne cèderont pas un pouce de leur terre et qu’elles continueront à se battre pour leurs droits, quel qu’en soit le coût.
Pour en voir plus :
Mes articles publiés à l’occasion de la journée internationale des droits des femmes : 2019, 2020, 2021, 2022, 2023
Bravo à toutes ces femmes en lutte, leur courage, leur détermination, leur espérance ! et merci pour ce partage en images. Anne-Marie
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