Artmor1, ou Art Make One Right, je vois ses œuvres à Nice quand j’y passe et j’ai eu envie de le rencontrer. Ça s’est finalement fait par téléphone, en mars 2023.
Peux-tu te présenter en quelques mots ?
Je m’appelle Romain, aka Art Make One Right, aka Artmor1. J’ai 40 ans, né à Nice et j’y fais du pochoir depuis 5 ans. Comme pas mal de graffeurs, j’ai commencé quand j’avais 16-17 ans à faire des tags sur les murs, à écrire mon blaze (Snake ou Sincé), de 1998 à 2005. Puis j’ai complètement arrêté pendant plusieurs années. C’est en voyageant (Londres, Bristol, Amsterdam, Berlin, Paris) que j’ai vu l’engouement pour le street art. Mais le déclic est venu en 2008 : une copine qui habitait Londres m’a envoyé des photos des œuvres de Banksy. J’ai découvert le pochoir grâce à lui et je me suis dit : « Pourquoi pas moi ? ». Il faut dire que je suis complètement autodidacte, mais à force de travail, mes pochoirs sont devenus de plus en plus propres et j’ai pu commencer à les projeter en ville.
Pourquoi le street art ?
D’abord parce que c’est un bon moyen de montrer ce qu’on fait. Et puis, je peux aussi faire passer un message de tolérance.
Quels sont tes thèmes favoris ?
Il y en a trois, qui se recoupent souvent.
Le voyage :
Mes pochoirs, c’est une petite part de voyage. A travers eux, j’emmène les gens un peu partout.
Moi-même, j’ai eu la chance de beaucoup voyager grâce à mon père qui habite à l’étranger. Dès que j’étais en vacances, j’allais le voir. En Afrique…
… Mais surtout en Asie : j’ai eu la chance d’habiter un an à Pékin. J’ai appris à connaître un peuple avec une culture, une manière de penser complètement différentes. Et j’ai pu également voyager dans les pays voisins.
Il me manque le Japon et l’Inde. J’y vais cet été et je réaliserai un de mes rêves : mettre un sadhu sur un mur de Bénarès.
L’enfance
J’aime bien inclure cette part d’innocence dans mes pochoirs.
Le monde animal
Quelle est ta technique ?
J’aime le pochoir, parce qu’on peut le poser rapidement quand on intervient en ville de manière illégale comme je l’ai fait à mes débuts. Et surtout, je ne sais pas dessiner, et le pochoir me permet de partir d’une photo ou d’un dessin grossier pour en obtenir quelque chose d’assez précis.
Je réalise des pochoirs en 4 ou 5 couches. Les découpes de pochoir me prennent entre 3 et 20h en fonction des formats. J’aime vraiment la découpe. Je m’y mets en rentrant du boulot : je mets de la musique et je me lance dans le pochoir. Pour moi, c’est de la relaxation, je me sens un peu en hypnose dans ces moments. C’est pour cette raison que je n’ai pas envie d’essayer la découpe par ordinateur.
Comment choisis-tu tes supports ?
Il n’y a pas grand-chose pour s’exprimer sur les murs à Nice, hormis, tout récemment, les 2 murs d’expression libre. La ville fait la chasse à tout ce qui n’est pas autorisé. Mais c’est en train d’évoluer tout doucement. Heureusement, il y a des artistes très reconnus par la mairie, comme César Malfi, qui sont un peu nos représentants.
Mais de toute façon, je ne vais pas sur du patrimonial. J’aime bien embellir un endroit, pas le dégrader.
Par ailleurs, je me balade beaucoup. Sur les hauteurs de Nice, en particulier. Et j’en profite pour mettre du street art là où on ne s’y attend pas. Dans des forêts, ou des endroits un peu paumés. Bien sûr, je fais très attention au support : plaques en métal, murs qui attendent une réfection…
Quels sont tes artistes de référence ?
J’ai vu que tu avais fait un article sur Guaté Mao et ça tombe bien ! Il y a quelques années, je t’aurais cité 50 street-artistes, mais maintenant, il n’y a que lui qui me parle encore. Il y a chez lui une lumière, une découpe… Bref, quelque chose de vraiment unique et qui me parle profondément. https://francoisregisstreetart.fr/guate-mao/
Et il y a aussi Ernest Pignon Ernest. Je l’admire lui et ses engagements. Mais surtout, c’est un génie du crayon. C’est fou de le voir travailler au fusain ! Je l’avais représenté sur un mur d’expression libre.
Puis puis l’association Whole Street m’a proposé de participer à un festival au 109. C’est un grand espace culturel situé dans les anciens abattoirs. Je savais que son père y avait travaillé comme ouvrier, alors j’ai décidé de le représenter dans son contexte.
Et la surprise, c’est qu’au moment de l’inauguration, j’ai vu débarquer Ernest Pignon Ernest au-milieu des officiels et des photographes. J’ignorais qu’il était le parrain du festival ! Tu imagines combien j’étais nerveux, d’autant que je suis plutôt timide…
Pour en voir plus :
Retrouvez Artmor1 / Art Make One Right sur son compte Instagram. https://www.instagram.com/artmakeoneright/?hl=fr
Quelle tendresse, pour les êtres, pour le vivant, et quel talent pour faire vibrer cette présence entre gris et couleurs