Cet article est dédié à Hélène F., Jérôme P., Philippe M., Bernard D., Sandrine C. et toutes les équipes de Plaine Commune et de La Courneuve qui ont monté le projet urbain sur les terrains Babcock et continuent à le suivre depuis plus de 20 ans.
L’usine Babcock et Wilcox, un géant du secteur énergétique
En 1898, la Compagnie Française Babcock et Wilcox (devenue ensuite la Société Française des Constructions B&W, SFCBW) s’installe à La Courneuve. Elle y construit essentiellement des chaudières industrielles destinées à la production d’électricité.
Après la seconde Guerre Mondiale, Babcock participe activement à la Reconstruction et devient le principal fournisseur des nouvelles sociétés, EDF et GDF. Pendant les trente Glorieuses (1946-1973), l’entreprise équipe 70% du parc EDF de centrales thermiques. L’usine de La Courneuve atteint son apogée au milieu des années 1960. Elle emploie alors 1840 personnes sur 17 ha.
Au début des années 1970, le parc énergétique français se reconvertit vers le nucléaire et l’usine de La Courneuve s’étiole alors progressivement. L’effectif passe à 200 personnes sur 9,5 ha dans les années 1990 et la production cesse définitivement en 2000.
Entre 2000 et 2012, la friche est louée à des sociétés d’événementiel et de productions audiovisuelles: tournage de séries (comme « Braquo »), de clips ou de films (comme le film enthousiasmant de Gérard Mordillat « Le grand retournement ») et je me souviens d’avoir été ébloui, en septembre 2016 quand l’immense grande halle a servi de décor pour la pièce-marathon (plus de 6h !) adaptée des « Frères Karamazov » par le metteur en scène allemand Frank Castorf, dans le cadre du programme de la MC93. Magnifique Jeanne Balibar !
La reconversion
Babcock, les courneuviens y tiennent. L’usine était le poumon économique de la ville et un haut lieu d’organisation ouvrière. Et ce n’est pas un hasard si James Marson et Gilles Poux, les deux maires communistes qui se sont succédés depuis 1973 y ont travaillé et milité. Il reste le patrimoine industriel, avec un bâtiment de 4 ha aux halles voûtées de 15 m. de haut.
Un projet de reconversion du site a finalement pu être monté et, en 2012, l’usine a été vendue à la Banque de France qui a réalisé son nouveau centre fiduciaire sur la partie Nord, et a revendu les 4,5 ha de la partie Sud à la communauté d’agglomération Plaine Commune.
En 2017, dans le cadre de l’appel à projet « Réinventons la métropole du Grand Paris », c’est le projet de « Fabrique des Cultures » qui a été choisi pour la reconversion du site.
La cathédrale éphémère du street art
En 2020, pendant le confinement, 3 street artistes: Namaste, Sto et Zkor, pénètrent dans l’usine par les toits. Subjugués par la beauté et l’ampleur des lieux, ils vont s’y installer et y travailler pendant plusieurs mois, avec le souci constant de respecter le cadre.
Puis, avec Thomasine Zoler, guide-conférencière, ils décident d’ouvrir le lieu à d’autres artistes qu’ils choisissent avec soin et sur la base du même impératif de respect des lieux.
Au fur et à mesure, ce sont plus de 140 artistes qui se sont succédés ou ont travaillé ensemble. Avec, finalement, la complicité bienveillante de la mairie et des promoteurs.
Moi qui ai souvent parcouru ces lieux, j’ai été saisi d’émotion lorsque j’y suis revenu en 2023, à l’occasion des visites organisées par le collectif « La Babcockerie », avec Thomasine pour guide. Avant que le site ne soit investi par le chantier.
Ce qui m’a frappé en particulier, c’est la grande halle. Le Collectif avait fixé une contrainte aux artistes : n’utiliser que du noir, du rouge et du blanc. Le résultat est impressionnant, dans toute la diversité des styles et des thèmes propres à chacun.e.
On y croise Djalouz,
le Collectif BMC,
Dawal, Akélo,
Lask,
Mathieu_1976, le crew 50cl,
Nosbé,
Evazesir,
Des plasticiens sont également intervenus, dont Olivier Ratsi, avec sa sculpture lumineuse « Eppur si muove ».
J’y suis retourné en novembre 2024. Le chantier est en cours, avec le premier programme de logements.
Pour en savoir plus
- Sur l’histoire de l’usine de La Courneuve, excellent « cahier du patrimoine« ;
- Sur la Babcockerie
