
C’est la fable du pot de fer et du pot de terre en version urbaine.
Ce peut être aussi l’illustration de la chanson de Jacques Dutronc « Le petit jardin »
Sauf que ça ne se passe pas à la Chaussée d’Antin, mais à Montreuil, rue Danton. Dans un quartier pavillonnaire, sur les pentes près du Centre-Ville.
Régine y vit heureuse avec ses 2 enfants. En bordure Est, un pavillon; en bordure Ouest, une ancienne fonderie. Un beau jour de 2011, elle découvre qu’un promoteur (REI) a acheté cette petite friche industrielle et a obtenu un permis de construire pour y construire un immeuble de 38 logements, avec un grand mur aveugle de 10 mètres de haut qui privera totalement son jardin du soleil de l’après-midi. Elle intente un recours gracieux auprès de la mairie, qui le rejette : le projet est conforme au règlement d’urbanisme et la Maire de l’époque, Dominique Voynet veut densifier partout où c’est possible.
Le chantier commence et très vite, les problèmes apparaissent : les voisins se plaignent de « vibrations démentes ». Régine alerte plusieurs fois REI et Graam, son architecte : des fissures apparaissent, mais le promoteur ne donne jamais suite. Le vendredi 6 juillet 2012, alors que le chantier est en cours depuis 4 mois, la porte d’entrée principale sort de ses gonds… Et Régine également. Elle obtient que l’architecte passe, mais il repart en lui déclarant: « Madame, votre maison est ancienne, c’est normal qu’elle bouge« .
Malgré tout, Régine obtient ce même vendredi, un arrêté d’arrêt immédiat des travaux…

Trop tard : le dimanche 8 à 9 heures, Régine s’apprête à prendre le petit déjeuner dans sa cuisine… Et je laisse le Parisien raconter la suite : « Dans sa cuisine, elle constate que les fissures apparues il y a trois semaines ont sérieusement empiré et appelle, catastrophée, son ex-conjoint. « Lorsqu’il est arrivé, on a entendu de gros craquements dans la maison, raconte-t-elle. On est allé vite réveiller ma fille et sa copine qui dormaient à l’étage et on est sortis de la maison. En cinq minutes, tout s’est effondré. »
Dans l’intervalle, les pompiers, alertés, évacuent deux maisons voisines, soit neuf personnes au total. Sage précaution au regard des dégâts. Le jardin de Régine s’est affaissé de quatre mètres et l’extension de sa maison est éventrée : l’appentis, une terrasse et une partie de la cuisine ont été littéralement emportés dans le trou de 8 m du chantier voisin. »
Pour plus d’infos, voir le Parisien et le Figaro :
Le promoteur de la chanson de Dutronc ne faisait qu’abîmer les fleurs, REI a fait beaucoup plus fort : il a englouti tout le jardin ! …
Terrasse et jardin en 2012, avant la catastrophe
Quelques jours après, le promoteur a fait poser des étais

… Et le 1/3 de la maison s’est effondré dans la foulée

Pièces disparues: chambre, cuisine, salle à manger

Puis, c’est la galère : camper chez les amis, trouver un logement de substitution, faire reconnaître le préjudice et obtenir une indemnisation minimale (impossible de consolider ce qui reste de la maison : les fondations se sont déstabilisées). Cela prendra 4 ans. Et sans soutien de D. Voynet, qui crie au complot politique après la publication d’un article dans le Canard enchaîné.
… Et puis, il faut se reconstruire (sans jeu de mot). Dans ce processus, Régine monte un projet artistique dans le cadre de la plateforme « Inside Out » créée en 2011 par le photographe JR : avec le soutien des habitants du quartier, elle colle sur les murs de la rue des portraits d’elle, de ses enfants et des habitants qui ont également souffert du projet de REI.
Et son fils, qui est graffeur et qui avait 13 ans au moment de la catastrophe, entreprend en 2016, 4 ans plus tard, (d’abord seul, puis avec l’aide de son crew et d’autres amis), de couvrir les façades et l’intérieur de la maison en ruine. Il nomme ce projet « Broken House » et le résultat est réellement bouleversant.



Rez-de-chaussée, sept. 2018
Façade sur jardin en 2012, peu avant l’effondrement et en sept. 2018

Chambre du 1er étage, sept. 2018


Escalier vers le 2ème, sept. 2018





Chambre du 2ème, sept. 2018
Depuis la chambre du 2ème, on voit le petit bâtiment annexe qui donne sur la rue

Espérons que cet article fera réfléchir ceux qui envisagent de confier un projet à REI !